16/11/2007
Championnats du monde individuel AIDA
• AIDA : Association Internationale pour le Développement de l’Apnée
http://www.aidafrance.org
J'ai participé à cette compétition qui a réuni plus de 100 athlètes à Sharm El Sheikh, en Mer Rouge (Egypte) du 23 Octobre au 3 Novembre dernier.
2 disciplines: le poids constant avec palme (en monopalme); le poids constant sans palme (en brasse).
2 classements plus que satisfaisant pour moi: 11ème et 6ème (resp. sur 28 et 25 filles)
2 profondeurs assurées lors de mes performances officielles: -50m et -33m
2 photos:


Je tiens à remercier Jacques Liebert (et sa société: IDEM) pour son soutien financier et ses encouragements moraux!

Merci beaucoup à Morgan Bourc'His pour son amitié & ses entraînements qui ont portés leurs fruits; Bravo à lui pour ses jolies perf.!!!
Bulleusement vôtre,
SOLN
21:15 | Lien permanent | Commentaires (0)
La Grande Bleue et moi, ou, Réflexion sur ma pratique de l'apnée
Comment exprimer les sensations que me procure l'apnée?... Comment les exposer au commun des terriens? Il est impossible à un non-apnéiste d'imaginer correctement le monde dans lequel je me trouve plongée lorsque je descends vers les fonds des mers. Ce n'est pas juste le monde subaquatique, celui-là des milliers de plongeurs en bouteille l'ont expérimenté et peuvent vous le rapporter. Non, le monde dans lequel je m'immerge est tout autre. Vous vous dites sûrement : « Elle exagère, c'est simple de mettre des mots et de transcrire le monde aquatique... regardez Cousteau, le Monde du Silence a bien permis au grand public de se faire une idée des abysses jusqu'alors inconnues! Alors pourquoi l'apnée serait-elle différente? »
A ce point de mon discours j'aimerais citer le poème "l'Homme et le Mer" de Baudelaire:
Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes ;
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !
Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables !
Octobre 1852
Les Fleurs du Mal - Spleen et Idéal
Charles BAUDELAIRE (1821-1867)
Pourquoi ce poème? C'est l'un de ceux qui m'accompagnent lorsque je pratique l'apnée statique. Au chaud dans ma combinaison, je me laisse flotter en surface, bercée par le silence et par ces vers, je retiens ma respiration. L'air dans mes poumons me suffit. Je n'en réclame pas d'autre. Du moins pendant plusieurs minutes.
Mais cette discipline, si elle enseigne la relaxation et les techniques ventilatoires propres à toutes les sortes d'apnée pratiquées en compétition, est loin de ressembler à la plongée en mer.
Le "Poids Constant", qui consiste à descendre et remonter par ses propres moyens (et avec une monopalme - ou des bi-palmes) à une profondeur prédéfinie, est LA principale discipline pratiquée en mer. Beaucoup d’idées fausses s’y rattachent. Beaucoup de préconçus sur les dangers, l’étrangeté de ce sport peu connu, ce sport que je pratique avec passion, en loisir et en compétition, mais toujours pour le plaisir.
Pourquoi ce poème ? Parce qu’il me donne l’impression de me mélanger à la mer. Je suis un corps humain, je suis dans la mer, mais je suis un humain AVEC la mer. La mer est en moi. La mer et moi échangeons nos sensations, nos sentiments. Ceux qu’exprime Baudelaire. Les abîmes de l’Homme, celles de la mer… du pareil au même… insondables, inexprimables, incompréhensibles…
Que puis-je alors vous dire sur ce que je ressens en descendant en apnée à plus de 50 mètres de profondeur ? Vous dire que la difficulté n’est pas là où vous pourriez vous l’imaginer. La difficulté n’est pas de ne pas respirer. Elle est de se faire confiance ! Se faire confiance à soi et faire confiance à l’équipe qui vous accompagne dans ce « voyage dans la Grande Bleue ». Selon moi, on ne peut pas plonger seul pour cette simple raison : si je ne place pas la confiance dans mes amis qui vont me prendre en charge pendant toute la durée de ma plongée, je ne peux pas quitter la surface. Ils assurent plus que ma sécurité, ils me rassurent sur moi-même, sur mes capacités. En surface, avant de basculer dans ce monde parallèle et calme, il est nécessaire de parvenir à se remettre entièrement en leurs mains.
Ce « voyage » n’a beau duré que 2 minutes environ, il passe à la fois lentement car j’en savoure chaque instant, et trop rapidement, car le retour en surface est brusque et le contraste trop grand entre le monde aérien et le monde sous-marin. Je regrette de le quitter si vite. Ce monde qui a été mien pendant cette descente et qui déjà pendant la remontée me quittait progressivement pour me réexpédier vers le monde réel auquel, quoi qu’il en soit, j’appartiens comme tout un chacun.
C’est une véritable expédition à laquelle on doit fournir son attention tant dans la phase de préparation, que dans sa concrétisation, sans négliger de se retourner sur le chemin parcouru et les sensations éprouvées une fois ressortie… pour préparer la prochaine étape, la prochaine plongée, où je tâcherais de retrouver les sensations merveilleuses éprouvées alors.
L’angoisse, une fois retrouvé l’air frais de la surface, est de ne pas ressentir un tel plaisir à la plongée suivante… l’angoisse n’est pas tant de ne pas atteindre le fond la prochaine fois, mais de ne pas s’atteindre soi-même, se retrouver en tête à tête avec ce miroir qu’est la mer…
L’image que j’aime par-dessus tout donner de mes plongées, c’est celle de la surface vue d’en dessous. Cette étendue, plafond bleu infini, remplie de lumière et marquant la limite entre le monde agité de l’extérieur et le monde somptueux dans lequel je voyage. Lumière ? Voilà un terme que vous ne vous attendiez probablement pas à me voir employer sous la mer. Et bien détrompez-vous ! La lumière, il y en a. Tout du moins dans les eaux clémentes de la Méditerranée où je pratique ma passion. Elle me parvient de tout là haut. Elle transperce la surface. Pas une lumière pleine comme dans le ciel. Non, des rayons, que je peux discerner. Des raies de soleil qui réchauffent l’eau et l’ambiance bleue-froide qu’elle transmet.
Quand les jours sont gris, la mer est grise et la plongée n’est pas alors aussi agréable qu’à l’ordinaire. Il me faut alors utiliser ma motivation de progression pour m’encourager à descendre et consentir les efforts qui m’apporteront ensuite la satisfaction de la performance ou de l’exercice accompli. Mais imaginez-vous dès lors plonger le soir, lorsque, même si le ciel est dégagé, les rayons du soleil ne font que raser la surface et ne la pénètrent pas. Les eaux sont alors sombres, elles semblent hostiles. Dans ce cas, outre l’envie de progresser qui me pousse (surtout à l’approche d’une grande compétition !), l’ambiance amicale qui m’entoure constitue le facteur clé qui me donne l’étincelle déclanchant l’envie de descendre. Ça change tout d’être bien entourée et de rigoler pendant l’entraînement en mer. Nous partageons chacun la plongée des autres. Nous y contribuons en apportant la sécurité, mais pas seulement. Chaque plongée réussie (où l’on ressort avec le sourire !) donne l’énergie au groupe et la plongée suivante n’est alors qu’une formalité. Un plaisir de plus que l’on rajoute à une longue liste rédigée de dimanche en dimanche, de sortie en sortie, tout au long de l’année.
Voyez la complexité des sentiments, des sensations éprouvées. Dès lors, les exprimer n’est pas chose facile, mais si par mes mots je vous fais également rêver un peu, plonger un peu, voyager un peu et découvrir ce monde mystérieux… alors c’est déjà ça. C’est déjà ça.
Subaquatiquement vôtre,
SOLN
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